L’Ascension, un vide à célébrer
Fête-t-on un départ ? Une absence ? Ne devrait-on pas, ce jour-là, pleurer et se lamenter, et supprimer le congé qui nous procure repos, divertissements et réjouissances ? Pourquoi donc est-ce si important de fêter l’Ascension ? Ne devrait-on pas plutôt fêter directement Pentecôte, et oublier l’Ascension ?
Je crois que l’Ascension, unique parmi toutes les fêtes chrétiennes, célèbre l’attente. Elle célèbre, dans les deux sens du terme; elle fait mémoire d’un événement passé qui donne du sens à ce que nous pouvons vivre aujourd’hui, et elle se réjouit. Nous pouvons nous réjouir de ce temps d’attente, symbolisé par ces dix jours qui séparent l’Ascension et Pentecôte, le départ de Jésus et l’arrivée du Saint-Esprit.
Ce temps d’attente nous renvoie à tous ces moments où, dans notre vie spirituelle, nous avons l’impression qu’il ne se passe plus rien. Ça peut être quelques jours, ça peut être quelques mois, ça peut même être des années. Dans ces moments-là, nous avons l’impression d’être un peu secs, de ne plus rien découvrir de nouveau, de ne plus rien éprouver. De tourner en rond, de nous heurter sempiternellement aux mêmes difficultés, de buter sur les mêmes questions, d’être comme engourdis dans notre foi.
Eh bien, ces moments d’attente, de vide, que nous supportons bon gré mal gré, dont nous espérons généralement qu’ils seront les plus brefs et les moins nombreux possible, nous pouvons nous en réjouir. Qui l’eût cru? Oui, nous en réjouir. Parce qu’ils sont aussi indispensables à notre vie spirituelle que les moments d’exaltation ou d’exultation. Ils nous permettent de nous apaiser sur le plan émotionnel.
Ils nous permettent de faire le point calmement. Et tous les navigateurs savent combien c’est important de faire le point de temps en temps si on veut garder la route. Ces moments d’attente nous permettent de repenser à ce que nous avons vécu dans notre foi, à ce que nous avons appris; de remâcher, de ruminer toutes ces choses pour tirer parti du moindre élément, afin d’être nourris en profondeur et en durée.
Se rappeler, c’est s’enraciner. Quand nous sommes dans l’action, notre mémoire est en veilleuse. Elle ne peut être activée que dans ces temps d’attente, de vide apparent, de relâche.
Fêter l’Ascension, c’est important, parce que cette fête nous dit qu’ils sont bons pour nous, ces moments d’attente, où tout est, sans mauvais jeu de mots, comme suspendu. Oui, ces moments mornes, plats, parfois un peu douloureux, nous sont avantageux, même si nous ne les ressentons pas comme tels.
L’Ascension, fête de l’entre-deux, de la mémoire et de l’attente, nous rappelle qu’il est nécessaire que le terrain de notre cœur soit préparé pour l’accueil de l’Esprit, pour la fête de Pentecôte, la fête de la nouvelle création.