Gabriel de Montmollin, La passion des rencontres
Volubile et enthousiaste, le directeur du MIR parcourt les salles en préparation pour la prochaine exposition temporaire, «Apocalypses. Qu’avez-vous vu à Hiroshima?». Tout en détaillant la scénographie, il salue les installateurs, montrant son attachement au musée genevois qu’il dirige depuis neuf ans, situé dans la Maison Mallet datant du XVIIIe siècle, construite par des huguenots à deux pas de la cathédrale Saint-Pierre.
Sous son pilotage, cette institution laïque et historique a connu une transformation majeure: nouvelle entrée, cinq salles consacrées aux expositions temporaires,nouvelle scénographie, propositions audiovisuelles et numériques attrayantes.
Avec ses tapis moelleux, ses couleurs et ses éclairages soignés, le lieu se veut accueillant et porteur d’émotions.
Et depuis la réouverture, en avril 2023, la fréquentation a bondi de 50 % pour atteindre 30 000 visiteurs par année.
Rendre vivante la tradition protestante
Dès l’ouverture du MIR, en 2005, le défi était audacieux: rendre vivante une tradition protestante riche en livres mais réputée pauvre en images. Le pari est réussi. «Nos livres d’or nous dopent le moral: croyants ou non, les visiteurs repartent vraiment satisfaits», relève le directeur. Originaire de Neuchâtel, Gabriel de Montmollin a grandi dans une famille protestante mais peu pratiquante. Une sensibilité à la religion chrétienne s’éveille pourtant en lui sur les bancs d’une école primaire catholique. Par curiosité, il entame des études de théologie à Neuchâtel«sans imaginer devenir pasteur un jour». Son master en poche, il choisit le journalisme d’opinion et travaille d’abord pour La Vie protestante romande puis comme rédacteur en chef de l’édition neuchâteloise. Après quatre ans, il change radicalement d’horizon en devenant délégué du CICR. De Gaza, en pleine intifada, au Liban en guerre en passant par la Jordanie, l’Arabie saoudite et l’Iran, il devient porte-parole de l’organisation pour le Moyen-Orient. Jusqu’à ce qu’un jour, à Téhéran, une offre d’emploi dans le Journal de Genève attire son attention: les éditions Labor et Fides cherchent un nouveau directeur. «J’ai postulé, sans trop y croire… et j’ai été engagé.»
Les défis de l’édition
Une aventure de plus de vingt ans démarre alors à la direction de la plus importante maison d’édition protestante de langue française, interrompue par une parenthèse de trois ans à la direction du Centre social protestant Vaud. À la tête de Labor et Fides, Gabriel de Montmollin est confronté aux crises et mutations du monde du livre, parmi lesquelles l’arrivée d’internet. Malgré les difficultés, il restructure l’entreprise, maintient son équilibre financier et contribue à des succès éditoriaux, comme les collections bibliques, les livres de Lytta Basset ou encore de Marion Muller-Colard.
Il quitte Labor et Fides en 2015 –après avoir édité quelque 800 ouvrages –pour ne pas publier «le livre de trop» et se lance comme consultant indépendant. Alors qu’il travaille sur un projet d’expositionau MIR, il est nommé directeur du musée. Parmi ses moments forts à la tête de cette institution, Gabrielde Montmollin cite l’exposition «Print!», qui célèbre les 500 ans de la Réforme en imprimant une bible protestante avec une réplique de la presse de Gutenberg. «Nous avons réussi à créer une communion incroyable avec le public», se souvient avec plaisir ce Genevois qui adore sa cité d’adoption.
Vers une nouvelle étape
En neuf ans, le directeur théologien aura monté onze expositions temporaires, autour de Rembrandt ou de l’art brut, notamment, et développé une programmation dynamique de 30 à 40 manifestations (dont des conférences) par an. À 66 ans, ce père de trois enfants adultes s’apprête à tourner la page, sans faire encore trop de projets. «Je prendrai le temps de lire et de faire du bénévolat. J’espère que mon successeur sera nommé avant Noël pour une entrée en fonction en juillet. Je serai présent pour l’accompagner dans ses premiers pas, puis je me retirerai complètement.» A l’aube d’une nouvelle vie, il exprime sa gratitude pour une «carrière riche en rencontres très diverses» (écrivains, éditeurs,lecteurs, artistes, architectes, professionnels de la muséographie, ouvriers du bâtiment, peintres, ébénistes). «J’ai eu la chance de pouvoir faire des choses très intéressantes en exerçant rapidement des responsabilités avec des entourages qui m’ont toujours fait confiance.»
Bio
1959 Naît à Neuchâtel.
1985 Achève ses études de théologie.
1985 Débute à La Vie protestante, hebdomadaire couvrant l’actualité politique, culturelle, théologique et ecclésiale.
1989-1992 Délégué pour le CICR au Moyen-Orient.
1991, 1993 et 1995 Voit naître ses trois enfants.
1992-2015 Dirige les éditions Labor et Fides.
2015-2016 Travaille comme consultant indépendant
Depuis 2017 Dirige le MIR.
Les bonnes surprises de la théologie
Sceptique, «dans le bon sens du terme», Gabriel de Montmollin a suivi des études de théologie avec une vision culturelle et non spirituelle. «Ce qui m’intéresse dans la foi, ce sont les questions et non les réponses.» S’il devait ne retenir qu’une chose, il relèverait à quel point la théologie peut créer des possibilités professionnelles. «Jamais je n’aurais pensé que cela m’amènerait dans des endroits si différents et si enrichissants.»