
Un baptême sans préjugés de genre
Dans le temple genevois, des notes de piano résonnent joyeusement en ce jeudi 22 mai, donnant le ton à une cérémonie œcuménique qui se veut ouverte, chaleureuse et solennelle. Recouverte d’un tissu doré, la table de communion supporte un croix, une ménorah – chandelier à sept branches de la tradition juive –, une figurine d’ange et une écharpe aux couleurs de l’arc-en-ciel.
«Je te souhaite la bienvenue, qui que tu sois et quels que soient ton parcours de vie, ta culture, ton origine, ton âge, ton identité de genre, ton engagement dans la foi ou pas». A l’occasion de cette soirée «Jeudi-Cultes», c’est par ces mots que la pasteure Carolina Costa accueille les trois candidats au baptême et à la confirmation.
Il y a un an, un message similaire diffusé par la ministre sur les réseaux sociaux a convaincu Solal de se rapprocher de la paroisse. Il tombe sur une vidéo intitulée «Dieu est queer». «Je me suis dit que j’étais accepté comme je suis. Que finalement ce n’était pas une mauvaise chose d’être trans, que cela n’avait rien à voir avec la foi.» Son parcours spirituel, le jeune homme l’a véritablement entamé l’été dernier, après un séjour au sud de Porto, d’où est originaire son père. Il se rend alors dans une église posée sur un rocher au milieu de l’océan, accessible à marée basse. «Ce jour-là, il s’est passé quelque chose. J’ai senti une présence, une paix profonde. J’ai compris que je voulais me reconnecter à la Bible.»
Un appel fort
L’appel est fort et tout s’enchaîne rapidement pour Solal, qui rejoint la paroisse de Carouge où on lui propose d’intégrer le Conseil de paroisse en tant que vice-président. En ce mois de juin, il commence même le Séminaire de culture théologique à Cèdres Formation, à Lausanne, dans l’idée de peut-être devenir diacre un jour. «J’ai une soif immense d’en apprendre plus, de comprendre les textes bibliques. Mais aussi de les transmettre. J’aimerais aider les gens à voir que la Bible est une œuvre humaine, à ne pas la prendre au pied de la lettre», explique ce naturopathe de formation, qui travaille actuellement comme répétiteur spécialisé à Genève.
Mais ce soir, tout de blanc vêtu, silhouette fine assise sur un banc, Solal attend encore l’instant où il rejoindra l’Eglise protestante de Genève. Dans l’assemblée, un groupe d’amis fidèles et des membres de sa famille sont venus lui apporter leur soutien. Parmi eux, sa tante, qu’il considère comme une mère et qui sera sa marraine.
Tout d’abord, le jeune homme de 29 ans témoigne de son enfance difficile, marquée par les mauvais traitements, mais aussi de sa jeunesse passée dans un foyer, en proie aux addictions. Il s’en est sorti. Avec l’aide de Dieu, il en est convaincu. Enfant, il le priait déjà d’arrêter les maltraitances.
Le baptême, un relèvement
Vient enfin le grand moment. Le texte choisi par la pasteure est celui du baptême de l’eunuque, raconté dans les Actes des Apôtres. Un passage qui évoque la renaissance, la conversion, un relèvement. «Je me suis reconnu dans ce récit. Est-ce en lien avec ma transition? Oui et non. Ce n’est pas vraiment cela qui m’a conduit à Dieu, mais pouvoir la vivre a rendu ce cheminement spirituel possible», relève Solal.
A ses yeux, l’Eglise doit continuer à évoluer. «Les églises se vident. Il faut se demander pourquoi. L’Evangile, c’est l’amour du prochain, c’est le cœur de tout. Si l’on veut se rapprocher des gens, il faut faire ce travail d’ouverture. Dans l’équipe de Carolina, il y a des personnes que l’on ne s’attendrait jamais à voir dans un temple. Et pourtant, elles y sont. Cela montre qu’il y a quelque chose à faire.»